Hier j'étais me promener comme souvent sur les hauteurs de la ville, dans les champs, à proximité du terrain d'aviation. J'ai eu un choc assez profond, plus profond que le simple étonnement, en voyant qu'il y avait un monde fou à l'aérodrome – c'était manifestement une journée portes ouvertes, ou quelque chose de ce genre.
Des familles entières déambulaient sur les pistes, dans les hangars et les divers baraquements – et évidemment, le bistrot de l'aérodrome, absolument bondé. Sous le beau soleil de l'après-midi, c'était une scène presque onirique, tant elle était inattendue ; je n'avais jamais vu l'aérodrome que désert, seul le grondement continu des moteurs dans le ciel, qui avait accompagné toute mon enfance, laissant deviner qu'il était encore en activité.
Je suis entré moi aussi dans le bistrot ; il y avait des gens en train de discuter, de boire, de rire, jusque dans les cuisines et jusque même dans les toilettes – et je suis tombé nez-à-nez, coup sur coup, avec mon père, que je n'avais pas vu depuis un moment, et avec P. et sa mère, déjà un peu pompette. J'ai accepté moi aussi une coupe de crémant, proposée par l'une des serveuses qui circulait, à grand-peine, avec un plateau.
L'impression de rêver ne se dissipait pas, elle était au contraire de plus en plus forte. Elle a persisté jusqu'à ce que nous repartions ensemble en voiture.
En écrivant tout cela je repense à la réflexion que je m'étais faite un jour en randonnant dans la forêt, dans les Vosges du Nord : et si, au bout de ce chemin, de cette rude montée sur laquelle je me trouve seul, dans la pénombre de la forêt, entouré de sapins et d'immenses roches de grès... si je tombais sur une auberge, un endroit lumineux, joyeux, accueillant, bruyant, plutôt que sur d'autres kilomètres de forêt, obscurs, silencieux, indifférents, inhumains ?
L'irruption de la vie, de la lumière, de la fête, dans un décor habituellement désert et "mort", provoque quelque chose qui dépasse, comme je le disais, le simple étonnement. C'est comme si le monde – qui va naturellement vers la mort, le silence, le noir, le vide – inversait soudain sa tendance et que la vie ressurgissait dans toute sa force.
Alors quand en plus on y retrouve des parents, des amis, au milieu des rires et des libations, c'est comme déjà un aperçu du Ciel.
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Yesterday I went for a walk, as I often do, in the hills above the town, in the fields near the airfield. I was shocked to see that the airfield was so crowded – it was obviously an open day, or something like that.
Whole families were strolling along the runways, through the hangars and various barracks – and, of course, the airfield bistro, which was absolutely packed. In the beautiful afternoon sunshine, it was an almost dreamlike scene, so unexpected was it; I'd only ever seen the airfield deserted, with only the continuous roar of the engines in the sky, which had accompanied my entire childhood, suggesting that it was still in operation.
I went into the bistro too; people were chatting, drinking, laughing, right into the kitchens and even into the toilets – and I came face to face, one after the other, with my father, whom I hadn't seen for a while, and with P. and his mother, already a little tipsy. I too accepted a glass of crémant, offered by one of the waitresses who was circulating, with great difficulty, with a tray.
The feeling that I was dreaming didn't go away; on the contrary, it got stronger and stronger. It persisted until we were driving away together.
As I write all this, I think back to a thought I had one day while hiking through the forest in the Northern Vosges: what if, at the end of this path, this rugged climb on which I find myself alone, in the half-light of the forest, surrounded by fir trees and immense sandstone rocks... what if I came across an inn, a bright, cheerful, welcoming, noisy place, rather than another kilometer of forest, dark, silent, indifferent, inhuman?
The irruption of life, of light, of celebration, in a setting that is usually deserted and "dead", provokes something that goes beyond, as I said, simple astonishment. It's as if the world - which naturally tends towards death, silence, darkness and emptiness - suddenly reversed its tendency and life re-emerged in all its force.
And when you're reunited with family and friends, amidst laughter and libations, it's like a glimpse of heaven.